Petit caillou > Quel étage ?
14 octobre 2011

Cet été, mes vacances ont été des vacances d’ascenseur.
Je vis au rez-de-chaussée ; l’ascenseur est le seul moyen de transport collectif de mon trajet de travailleur.
J’étais en vacances d’ascenseur. C’est important.

Ce matin, ma compagne d’ascenseur n’était ni belle, ni laide, mais cela n’a qu’un intérêt psychologique. Il faut connaître les ascenseurs parisiens pour comprendre que la promiscuité dans ces boites à sardine à déplacement vertical n’est pas toujours différente de celle que l’on accepte dans celles à déplacement horizontal. L’on peut donc très facilement manquer de recul pour contempler ses co-montés (ou co-descendus).
L’esthétique d’un accompagnant d’ascenseur n’est donc pas un facteur de plaisir lorsque l’on y monte à 4 personne ou 300 kg maximum. L’on tente de préserver un petit recoin d’intimité et de s’absorber dans la contemplation du graffiti pro-palestinien (le pro-israëlien est dans l’ascenseur de gauche, mais il est en panne) qui commence à se patiner. Ma voisine, elle, relit sans doute pour la 10ème fois la carte annonçant que Mr Abbou, technicien dedicated to people flow est passé il y a dix jours. Elle ne peut plus se retourner pour regarder le miroir sans risquer de m’effleurer. Cela pourrait provoquer un silence gêné. Nous avons un silence normal, mal réveillé. Un silence d’avant le café. Et puis ça ne se fait pas de tourner le dos dans un ascenseur : ce sont les amants fatigués par trop de corps qui se détournent ainsi dans la douce certitude de la présence de l’autre. Nous sommes condamnés à l’immobilité. Trois secondes d’immobilité par étage et une seconde de plus pour l’ouverture de la porte.
Au bout de six secondes, soit deux étages, son parfum a colonisé la cabine. Un peu trop fort, comme le sont souvent les parfums entre la douche et le café.

Si l’ascenseur tombait en panne, on pourrait s’y asseoir tête bêche, les genoux sous le menton. Heureusement car l’attente peut être longue ; Notre métro vertical n’a pas d’interphone et les téléphones portables coupent toujours au niveau du premier étage. À quatre personnes ou 300 kg maximum, il faudrait s’asseoir à tour de rôle. Ce serait drôle les cinq premières minutes. À deux, nous échangerions des banalités, ce que nous avons peut être déjà fait dans ce même ascenseur. Je n’ai pas bien vu son visage et elle est un peu en retrait. Ça ne se fait pas de se retourner pour dévisager.

L’ascenseur est parcouru par la traditionnelle secousse qui annonce le cinquième étage. La cabine de droite accroche toujours à cet endroit là. Il s’arrête avec une brutalité qui serait malvenue dans une maison de retraite. Je m’efface pour la laisser sortir. J’en profite pour la regarder. C’est un homme.

Encore deux étages. Finalement, il pue ce parfum.

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