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9 août 2010

Loyauté
Au contraire des lessives économiques, les mots économiques sont ceux de la plus belle qualité. En quelques lettres, il savent dire tellement qu’ils définissent un univers à eux tout seul. Je ne veux pas de mots qui lavent plus blancs ; je veux ceux qui gardent leur saveur, leur substance. Ceux que les vocabulaires politiques, journalistiques ou marketing n’ont pas encore arraisonné, fait mousser en eau froide ou chaude, sans détériorer les couleurs.


Willy Ronis – 1945
Vigneron girondin

Un mot, au contraire, doit modifier la couleur de son contexte, doit être entachée de détails pour être significatif comme une bonne trogne de vigneron saisi par Willy Ronis – l’exposition s’achève le 22 août ; il est temps de vous dépêcher – qui ne serait qu’un être humain parmi tant d’autres s’il n’avait des mains crasses de terre et de raisin, larges comme des battoirs à linge, le visage jovial, l’estomac joyeux.

Par exemple, je n’échangerai pas un baril de Loyauté contre deux de Fidélité.

Loyauté, Loyal voilà une notion étrangement rencontrée en arrière plan d’un livre, un qualificatif destiné à torcher un portrait en trois coups de pinceaux grossiers. Mais le coup de pinceau du talent n’est jamais grossier. Loyal, un mot de maître pour une image sépia. Un mot fort qui semble tomber doucement en désuétude. Même ce qu’en dit le Larousse a des fragrances de cire, d’encaustique, et peut être même d’un début d’incontinence sénile de vieille France : Quelqu’un qui obéit aux lois de l’honneur, de la probité, de la droiture (1)

Une définition pleine de mots qui disparaissent faute d’objet à définir, qui renvoient au choc des armes à l’entrée du pont du Garigliano (celui sur la rivière du même nom ou sua sang et eau le chevalier sans peur et sans reproche, pas celui de Paris qui renvoie au choc des pare-chocs, et où suent tout court des régiments soumis d’automobilistes), aux duels au petit matin dans le bois du château et à l’éclat virginal des Demoiselles de Provence.

Mais ce “Loyal” écrit du bout des lèvres par la narratrice de “La pluie, avant qu’elle tombe” pour consentir un compliment, dresse l’image de l’homme qui est resté, envers et contre tout, même s’il aurait été pardonnable. Celui qui a respecté ses vœux. Il est resté, droit dans ses bottes inconfortables. On le soupçonnerai presque de rigidité intellectuelle.

Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas utilisé l’adjectif “fidèle” à la place ? La fidélité, toujours selon le Larousse, renvoie à l’idée de constance et d’immuabilité, mais, dans le domaine amoureux, simplement à une notion de fidélité sexuelle, c’est à dire à la démangeaison avec défense de se gratter d’Aurélien Scholl.
La fidélité serait donc la conséquence d’une qualité ; qualité d’Amour, d’affection (chien fidèle), d’amitié, qualité de fabrication (la pendule ou la balance sont fidèles), qualité morale (Loyauté).

Le choix de ce mot peut s’expliquer par le contexte, parce qu’être Loyal dans un couple, ce n’est pas seulement être fidèle. Ce n’est pas seulement être là. C’est assister, secourir. Respecter, finalement. Curieux comme ces mots rappellent les articles 212 et 215 du code civil Français. Ces articles lus lors de la célébration du mariage.
La Loyauté s’accueille et s’offre avec le cœur.

J’aime les mots économiques. Ils ne sont pas économes. La rhétorique officielle étalée à longueur de discours, d’articles et de publi-information a une fâcheuse tendance à essorer les mots, à les laver sans phosphates pour laisser une douce fragrance, un peu capiteuse, un peu amère, un peu toujours la même.

Tant mieux si les mots se perdent un peu ; cela les protège. Pourvu que leur sens perdure, car signifier, c’est exister.

“Loyal” est un mot vivant à vivre et à offrir.

Notes

Extraits du Code Civil Français

Art 212
Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.

Art 215
Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.

(1) – Extrait de l’indispensable dictionnaire Larousse pour iPhone.

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