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17 décembre 2010
Les Touristes
Vous les reconnaissez ?

Discrets comme une verrue velue sur le nez de Charlize Theron ou un troupeau d’hippopotames sauvages sous amphétamines au Carousel du Louvre, décalés, anachroniques, les touristes sont des corps étranges autant qu’étrangers, à contretemps, trop visibles et insultant l’âme des lieux.

La palme de la touristitude n’est néanmoins pas nécessairement l’apanage de la chaussette blanche dans la sandale, des décolletés abyssaux à Notre-Dame de Paris (bien que laissant entrevoir la perfection de l’oeuvre divine), de l’effarement devant une glace à la vanille jaune et le papier toilette rose, du poil aux pattes des bombes anatomiques nordiques, des piétons au beau milieu de la place de l’étoile ou du mitraillage des fantassins de la photographie.

Le touriste, ce peut être l’irresponsable criminel qui n’a pas jugé utile de saler même les grands axes de Paris lors de ce qu’il est convenu d’appeler un “épisode neigeux” pagaillogène, laissant le loisir à des légions d’imprévoyants de venir glisser sur quatre, trois ou deux roues, parfois deux pieds, puis finalement quatre fers. En l’air.

Sa mère est probablement la concierge demeurée dont je tairai ici le nom parce que je l’ignore, et c’est bien dommage, qui a trouvé intelligent de déneiger le trottoir devant chez elle à l’aide de son tuyau d’arrosage.

Sur le même moule, on trouve celui qui constate dépité que klaxonner l’obstacle n’améliore pas le freinage de son véhicule.

Le touriste, c’est aussi le petit vieux dans sa caisse à savon qui peste tous les diables, kalxonne, hurle contre celui qui vient de lui couper la route en montrant d’un index rageur une balise de priorité… inexistante.

Le touriste peut être aussi ce futur vieux beau au volant d’un véhicule au moteur surdimensionné, qui se vexe de ne pouvoir doubler définitivement un vélo – le mien, comme par hasard – parce que les vrombissements de moteur n’ont pas d’effet sur la circulation. Puis, dans une ultime tentative de tuer le cycliste, arrive à de faufiler dans la circulation pour se retrouver arrêté là ou un arroseur automatique justicier remplira méthodiquement sa décapotable. Décapotée, bien sûr.

Le touriste, c’est peut-être moi, qui vous débite un texte sans aucun intérêt philosophique, mais qui me fait du bien.

C’est peut être le colombophile inouï qui trouve sans doute que les palombes citadines ne sont ni assez nourries, ni assez sédentarisées.

C’est certainement enfin l’analphabète patenté qui n’a pas trouvé utile de traduire le titre du film “The Tourist”, démontrant un édifiant mépris pour sa langue. J’invite solennellement ce francophobe à changer de métier dare dare, ou à considérer qu’ajouter un “e” à Tourist ne change ni son sens, ni sa sonorité. De ce fait, ce petit snobisme anglophone est la marque du goût pour le clinquant, c’est à dire l’absence de goût, l’indigence intellectuelle et le mépris méprisable dont ce film n’a pas vraiment besoin.

On est toujours touriste quelque part, mais ceux de chez moi sont les pires.

2 thoughts on “Les touristes”

  1. En tant que bretonne, je me sens obligée de te contredire sur le fait que tes touristes sont les pires!
    Mes touristes-à-sandales-avec-chaussettes-intégrées à moi, laissent leurs poubelles sur les plages, ne savent pas conduire (ni se garer d’ailleurs…), envahissent ton espace vital de plage sans aucune gêne et se changent INTEGRALEMENT sous ton nez, une fois leur baignade terminée… Ce p’tit côté “Dis bonjour à Babar!” de ces messieurs originaires d’Allemagne ou de Hollande, m’a pourri des journées de vacances idylliques au soleil… “Je n’envahis pas ton espace, tu n’envahis pas mon espace” Et ça! Ça, je ne pardonne pas :p

    1. J’avoue que l’idée de contempler un Babar blanchâtre au milieu d’un corps rougeoyant en chaussettes blanches ne me paraît en effet pas spécialement enchanteur.

      Par là d’où je viens, Babar et son otarie prennent leurs aises à l’écart (pas trop difficile avec quelques 100 et quelques km de plage ininterrompue…) alors je veux bien que les tiens soient pires… encore que je te recommande de tester ceux de par là où je bosse, à l’arrière des grands magasins Parisiens… en fait, non, je ne le recommande pas. Ou alors juste pour varier.

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