Petit caillou > Le droit de partir
27 août 2011

Je déteste l’actualité : lorsque s’achève la litanie des langues de bois qui donnent la gueule du même tonneau, s’élève le psaume nécrophage annôné de ce débit journalistique si spécifique dont la neutralité fait douter que ceux qui l’adoptent comprennent ce qu’ils disent. Mais peut-être vaut-il mieux qu’ils ne s’entendent pas trop annoncer la liste des morts du jour par fait de guerre, famine, torture, accident, terrorisme, maladie, agression, suicide et sa cousine ; l’euthanasie (liste non limitative)

La voilà qui revient dans le débat, l’euthanasie – et avec elle, le suicide assisté – parce qu’un médecin a conjugué le verbe compatir comme auxiliaire du verbe tuer. C’est normal qu’on en reparle ; elle est de ces sujets qui intéressent chacun, ne serait-ce que parce que chacun espère ne jamais avoir à s’y intéresser (cette phrase marche aussi dans l’autre sens).

Mais qu’est-ce que l’euthanasie au juste ? Difficile de s’y retrouver entre euthanasie active, passive, assistance au suicide, refus d’acharnement thérapeutique… Littéralement, l’euthanasie est une “bonne mort”. Celle-ci est donnée par autrui dans les cas de souffrances extrêmes avec l’accord du futur défunt s’il est en mesure de le donner. Il s’agit bien là de donner la mort dans l’intention d’abréger les souffrances physiques intolérables d’une trop longue agonie et non d’aider un adolescent mal dans sa peau à faire de la peine à ses parents et amis.

Si le sujet est compliqué, c’est qu’il touche plusieurs réalités déjà peu simples quand il s’agit de décider de sa propre mort, mais franchement complexes dès qu’il s’agit de prendre la décision pour autrui.

“Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément”.

Extrait du Serment d’Hippocrate

On peut lister les risques de dérives d’une famille pressée d’accélérer l’héritage familial, (ces mains qui fermeront mes yeux et ouvriront mes armoires disait dèjà Sacha Guitry) ou le problème de la définition même du terme “maladie incurable” qui peut assez facilement glisser vers l’eugénisme. Il me semble opportun de rappeller que l’homosexualité est encore considérée comme une maladie dans certains coins du globe – ne me cherchez pas sur la géometrie – Et que dire de la Trisomie 21 et avec elle de l’ensemble des maladies génétiques dégénératives ?.
Ensuite, il touche à la place ambiguë du médecin qui n’a pas assez de fesses pour les poser à la fois sur les chaises “sauver une vie”, “soulager la douleur”, “ne pas prolonger l’agonie”, “ne pas provoquer la mort”.

Enfin, il se heurte à un élément d’une étonnante résilience chez l’être humain : l’espoir.

Parce que l’assistance à la fin de vie, si je puis me permettre ce terme qui regroupe les réalités autour de l’euthanasie, s’adresse aux purs désespoirs, celui de ceux qui veulent partir, de ceux qui acceptent de les laisser partir, des aidants épuisés et des familles exangues, des médecins impuissants et des malades sans espoir.

Le désespoir de ceux à qui on viendra un jour demander : “avez-vous déjà évoqué sa position sur l’acharnement thérapeutique ?”(*)

Ce jour là, un formulaire administratif de trois pages, une enquête de police et une visite à un psy seront particulièrement mal vécus.

Autant dire que pour pondre une loi intelligente sur le sujet, il vaudra mieux ne pas être en période électorale : une réponse tranchée serait déjà un mensonge.

Continuons d’en parler.


(*) Cette question est déjà posée. J’ignore comment elle le sera s’agissant d’euthanasie active.

Ajout le 19 sept. 2012 : Le débat résonne différemment au Québec : voici deux articles publiés moins d’un mois après cet article :

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