Je suis Papa > Mon grand
12 septembre 2014

Je vais faire une pause dans les “dis papa”, pourtant très inspirants, pour vous parler un peu de mon fils.

Mon petit.

Mon grand.

Ti-Cul a huit ans et demi. Il est beau, il est intelligent, il est unique, mais il y a un truc qu’il fait comme la plupart des enfants de son âge ; il grandit en hauteur plus qu’en largeur. Résultat, ses manches longues deviennent courtes et les pantalons qui ont survécu (voir l’article sur les pantalons troués) – c’est à dire les pantalons de pyjama – deviennent des corsaires, voire des shorts pour les plus amples d’entre eux.
Mon bébé grandit. Mais est-il un grand pour autant ?

grandQui décide qu’un enfant devient grand ? Lui-même ? Cette entité nébuleuse qu’on appelle “la société” ? Un psy spécialisé qui lui tamponnerait le front avec le mot “grand” ?
On serait tenté de répondre : “Lui-même” tant il est vrai que c’est lui qui décide qu’il est prêt à marcher, qu’il est capable d’aller sur le pot, de s’habiller tout seul, d’aider à remplir le lave-vaisselle (non, mauvais exemple), à ranger sa chambre (heu, mauvais exemple aussi), à rentrer seul de l’école ou à répondre au téléphone. C’est aussi lui qui décide de contester, de refuser, de contrarier, de s’opposer parce que bon, CRS = SS, le peuple aura ta peau.

C’est lui qui décide de changer les règles du jeu sans qu’on s’en rende vraiment compte. Lui qui débarque, habillé – parfois même avec goût – petit déjeuner pris, en disant “Papa, est-ce que c’est l’heure d’aller à l’école ?” pendant que mon réveil sonne depuis une heure sans obtenir plus qu’une tape régulière sur le bouton “snooze”.
Mais c’est aussi lui qui ne sait pas encore tout à fait lire l’heure et met autant de Nutella autour que sur les tartines.

C’est lui qui commence à s’intéresser aux autres, qui réfléchit de mieux en mieux, jusqu’à me renvoyer, non sans humour, mes propres réflexions. Lui qui entraîne les plus petits, plus timorés, dans des jeux incroyables sortis de son imagination.
Mais c’est aussi lui que l’excitation rend dingue et qui entraîne les petits dans les bêtises.

C’est lui qui s’entraîne à traverser la première rue, mais passe la suivante en courant.
C’est lui qui modifie les règles et les impose au parent qui gémit, tempête, s’inquiète, râle, hurle, déprime devant les changements qui s’opèrent devant lui. Chez Ti-cul, c’est à peu près tous les deux ans. C’est comme ça ; il prend un coup d’âge sans prévenir. Il a donc toujours un coup d’avance sur moi.

C’est à nous, parents, de comprendre que sa contestation est de l’affirmation et qu’il faut l’accompagner, jusqu’aux nouvelles barrières que nous y mettrons. Mais c’est nous que lui donner plus de liberté effraie comme la première fois que l’on ouvre la porte à un chaton en ayant peur qu’il ne s’enfuie.

C’est à nous de comprendre que son insolence est surtout une évolution de son langage, et que nous avons à lui apprendre la façon de s’en servir. Mais c’est nous qui sommes surpris par cette intelligence mal maîtrisée et qui y voyons une agression.

C’est à nous de comprendre qu’il a gagné en autonomie et de reculer notre point de contrôle pour le laisser s’y épanouir et y grandir encore (mais sans se laisser surprendre à la dernière seconde par un problème d’accord de couleur, de short en hiver ou de petit déjeuner pas pris parce que la couette est vraiment confortable). Mais c’est nous qui devons désapprendre à anticiper les problèmes, résoudre les difficultés avant qu’elles se présentent parce que là, on va être en retard.

C’est à nous de prendre un bon gros Lexomil ET un Valium avant de l’envoyer tout seul à l’école ou acheter du pain et à lui apprendre quoi dire après avoir fait le 18. Mais c’est nous qui ne pouvons raisonnablement pas faire confiance à un si petit enfant encore tout rose bien que plus très dodu.
C’est à nous de fermer les yeux quand il empile hasardeusement mais avec beaucoup de bonne volonté, deux assiettes, deux verres et quatre couverts et à lui dire qu’il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne cassent rien, en lui tendant la balayette. C’est à nous de le laisser monter sur le tabouret pour attraper quelque chose parce que nous aussi, on monte sur ce foutu tabouret pour atteindre le placard du haut. Mais c’est nous qui devons retirer le matelas mental que nous mettons derrière chacun de ses pas.

C’est nous qui faisons grandir notre enfant en le laissant partir tout seul. C’est nous qui avons un nœud au ventre face au risque d’échec, de cassage de figure. Une peur qu’il n’aura pas si on arrive à la calmer chez nous. Il pourra alors aller paisiblement s’offrir de lui-même tous les indispensables cassages de figure qui lui apprendront plus que nous ne le ferons jamais.

6 thoughts on “Mon grand”

  1. Encore MERCI pour ces inévitables rappels, coups de gomme sur mes prétentions et autres peurs, pour m’aider à regarder avec des yeux neufs mon bébé à moi qui grandit aussi, bientôt 4 ans 1/2…
    Je me dis parfois que nous pourrions aller sur la lune, lui et moi, si j’arrivais à avoir moins peur ! J’espère que mes réflexions (alimentées par ma… peur de mal faire) lui permettront peut-être d’avancer plus libre dans sa propre vie que je ne le suis dans la mienne…

    1. J’ai entendu un jour Michel Boujenah dire “Si tu veux être grand, met ton fils sur tes épaules” (ça doit marcher avec une fille aussi). Je ne sais pas si nous irions sur la lune, mais nous pouvons être le marchepied qui leur permettra, à eux, d’y aller. (Il faudra que je fasse un “dis papa ?” sur le sujet 🙂 )

  2. Bonsoir
    Encore de belles choses d’écrites.
    En effet, le meilleur moyen d’aider nos enfants à grandir est d’accepté qu’ils vivent leurs propres expériences, même si celles-ci peuvent être douloureuses. Il faut leur apprendre et les encourager à chercher des solutions par eux même. La boule au ventre. On souhaiterai les protéger de tout mais finalement c’est peut être ce qui les rendrais plus fragile. Donnons leur les outils pour construire leur vie et leur bonheur, même si cela nous fait peur.
    🙂 j’aime les voir grandir et prendre leur autonomie. Mais j’ai la trouille. 🙂
    Merci on se sent moins seul avec ses peurs.

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