Culture > Littérature > Bob écrit
15 octobre 2016

Photo: hugovk @ flickr
Photo: hugovk @ flickr
Bob Dylan, prix Nobel de littérature 2016. Une information qui m’a fait dresser un sourcil d’extraterrestre ombrageux sur mon écran. Une information dérangeante, mais, contrairement aux déclarations de Robert Ménard ou à une chronique de Pierre-Emmanuel Barré, je ne savais pas pourquoi.

Qui est Bob Dylan, d’abord ? Un musicien américain qui a pratiqué l’amour libre et les psychotropes, simultanément, successivement, dans l’ordre et surtout dans le désordre. C’est un inconnu connu qui fait de la musique que l’on retrouve jusque dans les carnets de chants scouts. Voilà.

Cyrano, qui avait du nez pour les mots, me dirait : « Ah Non ! C’est un peu court, jeune homme ».
Certes.

Qui est Bob Dylan ?
The answer is blowing in the wind, mais pas seulement.

Bob Dylan est un artiste. Un musicien. Un poète. Un poète chanteur au message universel qui a eu une influence sur une, sans doute deux, et peut être trois générations. Je pourrais en savoir plus, lire sa biographie en écoutant sa musique mais ça suffira pour cet article qui ne prétend certainement pas à l’érudition pédante – quoique intéressante – de ce que j’ai pu lire par ailleurs.

Comme Bob – tu permets que je t’appelle Bob ? – s’exprime en musique, c’est un chanteur. Un chanteur comme Gainsbourg qui a été encensé poète mais dont le talent m’est, au mieux, indifférent.

D’où une seconde question : Qu’est-ce qu’un chanteur vient faire en littérature ?

D’abord, qu’est-ce que la littérature ? Mon fils qui a le sens de la formule devrait assez rapidement pouvoir répondre : « Ce sont des livres chiants ».
C’est une définition qui tombe sous le sens quand la littérature se résume à être obligé de faire une fiche de lecture de Madame Bovary sous peine d’un zéro pointé.

Bob Dylan n’est pas chiant. Et surtout, il n’écrit pas de livres. Cela ne répond donc pas à la définition et explique la variété de réactions. D’un côté, l’incompréhension de ceux qui pensent que même Le Clezio n’est pas assez littéraire pour le Nobel. De l’autre l’encensement du comité Nobel qui aurait enfin compris que la littérature est morte et que vive la littérature.

Cela ne nous avance néanmoins pas beaucoup. Si le Nobel est généralement une surprise, c’est tout de même comme une piñata d’anniversaire qui contient toujours des bonbons et des cotillons. Le Nobel de littérature, ce sont des auteurs de livres qui en tombent. Bob a-t-il fourni la drogue au comité pour qu’ils fourrent la piñata avec du pâté Lou Gascoun ?

Pour faire avancer le débat, je copie-colle ci-dessous la définition du mot « Littérature » de Wikipédia :

Le mot littérature, issu du latin litteratura dérivé de littera (la lettre), apparaît au début du XIIe siècle avec un sens technique de « chose écrite » puis évolue à la fin du Moyen Âge vers le sens de « savoir tiré des livres », avant d’atteindre aux XVIIe – XVIIIe siècles son sens principal actuel : ensemble des œuvres écrites ou orales comportant une dimension esthétique ou activité participant à leur élaboration.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Littérature

Bob Dylan est auteur d’une œuvre écrite, diffusée à l’oral et accompagné de musique pour transcender sa dimension esthétique et l’émotion qui s’en détache.
Le comité Nobel a vu le poète là où nous voyons le musicien. Ce n’est pas une question de modernité, mais tout simplement de point de vue. C’est éminemment respectable. C’est même admirable d’avoir réussi à s’affranchir du carcan restrictif d’une définition poussiéreuse.

Mais… (parce que s’il n’y avait pas un mais, ce serait beaucoup moins drôle),

Mais Wikipédia a beau dire, le mot « littérature » reste intimement lié au beau livre. Quel autre mot pourrait remplacer « littéraire » dans « prix littéraire » ? En attendant que la décision du comité Nobel ne dépoussière le milieu, on n’est pas prêt de voir le dernier album de Benjamin Biolay au Goncourt.

Enfin, je l’espère.

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