Cinéma > Culture > [Film] Gardiens de l’ordre
14 avril 2010

Gardiens de l'ordre
Gardiens de l'ordre

Un trou noir. Corps céleste tellement dense qu’il absorbe même la lumière. Ce film est un trou noir. Dense : une heure et quarante-cinq minutes sans une longueur, sans une pause dans la tension, la peur, la pression, l’adrénaline et le stress qui tenaillent ces gardiens d’on ne sait plus très bien quel ordre. Dense et noir. On voit pourtant un peu de vraie lumière, dans le plan d’introduction ; le soleil se couche, un peu glauque tout de même sur les tours et les habitations de La Défense. D’une certaine manière, il ne se lèvera plus.

Nicolas Boukhrief livre un film raide, sensible et équilibré même s’il manque parfois à nous surprendre en se laissant enfermer dans des situations convenues. Chaque seconde écoulée nous maintient en tension. Malgré ce coucher de soleil qui révèle le film de genre, l’idée de départ aurait vite pu tourner au film de série B ; Un coéquipier mort dans une banale histoire de tapage nocturne, des pressions politiques sur un commissaire à l’échine flexible, un passage rapide sur le suicide policier, des flics qui se lancent dans une contre-enquête officieuse…

Mais comme Simon n’est pas un ancien de la guerre de quelque part et que Julie n’a pas été élevée par un immigré japonais septième dan d’un art millénaire, le jour suivant ne sera plus jamais vraiment comme avant ; Ils sont deux gardiens de la paix, jeunes et expérimentés, qui n’ont jamais fait usage de leur arme en service comme la plupart des gardiens de la paix jeunes et expérimentés. Simon « fait » sa première nuit en banlieue Parisienne. Il ne se connaissaient pas avant. Ils ont tiré tous les deux sur le fils de député défoncé à une drogue mal identifiée. Ils sont choqués, manipulés, accusés de bavure. Ils vont, pour prouver leur innocence marcher le long de la ligne qui sépare l’enquête officieuse de… de quoi ?

A l’image de l’affiche du film, les personnages vont pencher, pencher vers une des nombreuses abîmes définitives qui apparaissent successivement sous leurs pieds, entrainés l’un l’autre, l’un par l’autre de trop loin en trop loin.

Cécile de France et Fred Testot incarnent avec justesse ces deux flics en perte de contrôle. Tous deux suintent la trouille, le stress, la violence de leur combat intime contre leur raison et leurs principes, contre ces limites qui se dérobent, contre cette violence nue, crue, sans fard ni effets spéciaux superlatifs qui s’impose à leur vies. Fred Testot vit ce Simon, inspecteur infiltré improvisé, donc maladroit, aux prises avec le voyou qu’il aurait pu devenir face à une Cécile de France arc-boutée à la force de caractère que l’on ne soupçonnait pas à Julie qui devient progressivement superbe de maîtrise apparente sur la pente qu’elle savonne elle-même.

Peur, adrénaline, autant de substances légales qui se marient aux amphétamines, à la coke pour engendrer un cocktail tendu comme un string que l’on ne verra pas. Car ce film n’est pas conçu autour d’artifices visuels ; c’est une plongée dans un univers où flics comme brigands sont des hommes qui vivent dans un monde normal, comme dans la vraie vie où les boites de nuit ne sont pas toutes équipées de danseuses exotiques, où recevoir une balle ne permet pas de défier les lois de la gravité, où un seul coup de barre à mine fait mal, très mal, où les héros pleurent, où les héros ont peur. Si peur.

Gardiens de l’ordre est un film d’une qualité trop rare, à voir aussi pour apprécier la renaissance de la lumière par la magie du sourire de Cécile de France, définitivement plus dense qu’un trou noir.

Repères

Gardiens de l’ordre film Français (2010)
Réalisé par Nicolas Boukhrief
Avec Cécile de France, Fred Testot, Julien Boisselier…

Laisser un commentaire