Démangeaison > Pas de calendrier !
12 octobre 2010


Alors que je traînait ma couenne amollie par la conjonction d’une douceur estivale saugrenue en ce mois automnal et d’un habillement inadapté transformé en étuve, voilà que mon regard hagard de titubin est accroché par un étonnant ballet de jambes nues, cagneuses pour la plupart, vaguement rehaussées d’un habillement multicolore allant du marron au brun pour certaines et du bleu ciel au marine pour les autres.
Je pris conscience de la raison de cette agitation, inhabituelle en l’absence de pigeons – ceci expliquant probablement cela – juste à temps pour déployer des contre mesures adaptées en saisissant mon téléphone éteint d’un air allumé (Il n’y a pas de copyright sur ce truc ; vous pouvez vous en servir) : les scouts sont de sortie, gueule d’ange ou boutonneuse, ils battent le pavé un paquet de calendriers sous le bras.

D’abord, je ne veux pas de calendrier. J’en ai déjà un, orné de magnifiques photos de Guernesey, un paradis accessible que je ne saurai trop conseiller à tous à l’exception des baigneurs irrépressibles frileux de l’orteil. L’œuvre, car c’en est une, c’est sûr, est également parsemée de citations d’un roman fort recommandable dont j’ai déjà parlé ici, le tout dans une mise en page d’un goût… comment dire ?… tout à fait Britannique.

Je ne veux pas de calendrier, donc. D’abord, parce qu’il fait 26°C dehors, que le réchauffement micro-climatique a frappé ma banlieue – il n’y a que comme ça qu’elle devient une banlieue chaude, sauf les soirs de match PSG-Marseille – et que je ne veux pas que l’on soit déjà le 31 décembre ! Voici Octobre qui débute, les enfants jouent dans les feuilles mortes en faisant des penalties avec les étrons canins qu’elles dissimulent et déjà pointe la menace de la trombine de l’alcoolique du pôle Nord – on ne me fera pas croire que c’est la tisane qui lui fait une trogne pareille – de ses cloches agaçantes et de son beau sapin, alors que je m’étais insurgé ici même de sa manie à se pointer hors saison.

Je ne veux pas qu’on me prive de mon automne pépère sous prétexte qu’on ne sait pas quoi faire une fois que l’odeur de papier, de cartable neuf et de crayon fraîchement taillé s’est estompée et que s’il l’on vend un calendrier maintenant, on passera avant les scouts de France (c’étaient des scouts d’Europe), la chorale, les pompiers, les sans abris, les sans amis, les sans chien, les sans scrupules…

Le temps ne passe pas si vite, malgré le courrier électronique, le téléphone portable, l’iPhone (et consorts) et la fermeture éclair, symboles de l’immédiateté, du plaisir en temps réel et des occasions bâclées.
Le temps ne passe pas si vite, mais nous le comblons d’urgence, d’information expresse, ni lue, ni entendue, ni comprise. A peine sue, perçue dans la rumeur quotidienne d’où ne ressortent que des flashes, des “scoops” pathétiques, des godes d’or et des rumeurs infondées, de l’information diffusée sans analyse, sans recul, sans intérêt.
On notera à ce sujet, l’inflation du nombre d’articles consacrés aux rumeurs précédant telle ou telle annonce, par exemple s’agissant des évènements d’Apple, et on observera également la raréfaction des articles qui se donnent la peine de revenir à posteriori sur le fond de ces annonces.
Article de Hugo Lunardelli, plus calme que moi, à lire ici

Pour exister, il faut donc être le premier, le premier à parler, même trop vite, à écrire, à crier, à téléphoner alors que Bénabar a livré la recette à la France entière : Trois jours minimum !

Je ne veux pas acheter de calendrier en octobre. Le temps ne va pas vite, c’est nous qui le faisons passer et les bubonneux en short et foulard qui vendent leur accélérateur d’issue funeste par canicule automnale auront du poil au menton avant que l’ulcère ne m’atteigne tant que j’éteindrai mon portable la nuit, que j’écrirai mes articles au stylo plume, que je marcherai docilement derrière un bambin cherchant ce que j’espère qu’il ne trouvera pas dans les feuilles mortes et que j’achèterai mes calendriers en juillet pour qu’ils rappellent toute l’année suivante les bons souvenirs de temps bien passé pendant que se tricoteront paisiblement les souvenirs pour l’année suivante.

Bon, c’est pas tout ça, mais faut que je passe un coup de fil, penser à la boulangerie ce soir et prendre de la viande. L’épicier ? Non ça peut attendre. Quand est mon rendez-vous chez le dentiste ? Appeller la baby-sitter avant 16 heures et maman avant 18. La sortie de l’école est à quelle heure ? il faut que j’aille à la poste chercher un colis et poster le chèque de Tante Marthe. Je devrai en profiter pour prendre des timbres et passer à la boutique de vêtements voir s’ils ont reçu ma taille. ……………………………..

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