Les romantiques traînent avec eux une image sépia et des odeurs de pot pourri. Fleur bleue, has been, on décèlera même chez les hommes qui s’y adonnent, un soupçon de faiblesse comportementale, voir d’homosexualité. La femme romantique, elle, s’étiole et se flétrit doucement en rêvant du prince charmant qui n’en finit plus d’arriver sur son fier palefroi, la crinière au vent – celle de la monture, comme celle du cavalier – pour braver le dragon qui fait le guet devant sa tour d’ivoire (son ex, donc) et la libérer avant la sainte Catherine.
L’adjectif « romantique » est pourtant apparu pour concurrencer l’adjectif « romanesque ». Le romantique serait alors, par définition, l’antithèse parfaite du prince charmant poudré de sang et auréolé de gloire qui a disparu avec les beaux jours de la chanson de geste, ce qui n’est pas nécessairement un mal. Tout sans peur qu’il soit, je ne suis pas certain que Bayard soit sans reproche selon les critères de Monsieur Le Chat Machine Sans Phosphates, surtout après son arrêt sur le Garigliano. Et ça, ça passe mal chez Universal.
Qu’est-ce alors qu’un romantique ? C’est le sujet de cet article qui pourrait torturer quelques milliers de bacheliers, mais s’est imposé en visionnant une de mes comédies romantiques préférées. Une phase de dialogue toute bête dans laquelle on trouve l’assertion habituelle « ce n’est pas personnel, c’est du business » – qui mériterait un article à elle seule -“ suivie de ces quelques mots qui « font du sens » comme on dit en bon Québécois.
« Tout devrait être personnel »
Une comédie romantique, c’est une histoire personnelle, tellement réelle qu’elle se passe probablement en ce moment même au coin de la rue. En l’occurrence, il s’agissait du West-Side New-Yorkais qui est un peu plus loin que le coin de ma rue, mais l’effet est similaire dans son réalisme. L’art romantique consiste à transcender le réalisme en ajoutant la volonté de rendre le quotidien beau et exceptionnel, simplement en y mettant du cœur.
Alors certes, acheter un bouquet de fleur est un acte de romantisme parce que l’on peut aussi bien dire « je t’aime » sans fleurs, mais que c’est bien plus beau, plus parfumé, plus coloré avec des fleurs, même si c’est périssable et même parce que c’est périssable.
Mais le romantisme, c’est surtout ne pas se contenter de la narration brute du réalisme de Zola, d’un film de guerre ou de certains morceaux de rap. Ce n’est pas non plus faire dégouliner la guimauve sur fond de violons quand la vague géante vient faire mourir une des héroïnes d’un film catastrophe accompagnée de son vieux papa (les films catastrophes ont toujours plusieurs héros et héroïnes ; c’est beaucoup plus poignant quand ils meurent, et on peut en faire mourir plus. C’est certes moins économique au niveau du casting, mais ça fait vendre des kleenex).
En y réfléchissant deux secondes, je ne suis plus très sûr pour les violons dans cette scène de « Deep Impact », mais vous connaissez certainement un autre de ces exemples savoureusement pastichés par Tim Burton dans son « Mars Attacks ».
Le romantisme, c’est donc faire du beau avec du vrai. On retrouvera pêle-mêle de nombreux artistes de la chanson – ou assimilé – s’adonnant à cet exercice, de Bénabar à Grand Corps Malade en passant par Lynda Lemay. Je ne cible pas de « grands voix » de la chanson francophone car le répertoire de nombre d’entre eux – je pourrai presque utiliser le féminin, mais Garou se vexerait – flirte parfois avec la limite du romanesque. Bien entendu, les écrivains et scénaristes ne sont pas en reste, et l’on peut sentir le romantisme bien avant de percevoir les effluves de l’eau de rose.
Car si le romantisme peut se définir comme l’art de faire du beau avec son cœur, qui a dit que cela s’arrêtait à une belle attention ou une belle façon de raconter la vie ? Tout ce que l’on n’est pas obligé de faire pour dire « je t’aime », et que l’on fait pour l’autre, pour les autres, est romantisme. L’humour du quotidien, parce que c’est trop triste sinon, une lettre à envoyer, à un ami, à un public. La simple présence surprise alors qu’à lieu une réunion super importante, tu comprends chérie, je sais que c’est notre anniversaire mais je ne peux pas rater ça, c’est mon boulot qui est en jeu, tu peux comprendre ça ?
La présence, au bras, au chevet. Et un joli mot qui n’était pas utile, sorti du cœur.
Être romantique, ce n’est pas aimer plus fort. C’est juste aimer un peu mieux.
Couleur douce et reposante comme l’écriture des différents articles. Enfin un blog reposant, non agressif….ni dans les propos, ni dans les couleurs ni dans la mise en page. Clair, calme, on a envie d’y revenir…Et puis “un caillou dans le soulier”, quel joli choix.
Merci Marie-Christine, voilà un commentaire qui va droit au cÅ“ur et montre que je ne suis pas le seul à voir ce blog ainsi. Promis, j’essaie de continuer comme ça.