Balades > Petit caillou > Plaidoyer pour un regard
8 octobre 2009

Il n’est pas difficile de devenir touriste : il suffit de prendre son appareil photo, de revêtir des vêtements pratiques mais pas nécessairement esthétiques, de mettre une polaire dans son sac à dos (au cas où), de préparer quelques jugements bien sentis et de prendre le moyen de transport désiré pour aller là où une organisation sans faille nous conduira inexorablement.

En général, cela veut dire loin.

Parce que si partir en vacances au Camping des Flots Bleus, de l’autre côté de la commune où l’on réside est une chose, aller y faire le touriste semble impensable dans cet univers maîtrisé ou l’on ne consent qu’à « faire des activités ».

C’est pourtant une expérience tout à fait particulière de faire le touriste en bas de chez soi, de redécouvrir des lieux que l’on a tellement regardé sans les voir qu’ils nous demeureraient finalement totalement inconnus si l’on continuait à ne pas y prendre garde.

Versailles (Statue par Veilhan)
Versailles

Fervent bien que récent partisan de la ballade à objectif photographique consistant à chercher le beau ou l’insolite dans un univers familier, j’ai commencé à prendre l’habitude de traîner mes escarpins dans la boue d’autour de chez moi avec le regard un peu plus neuf de celui qui a vécu un temps loin de chez lui.

C’est en m’aidant de ce nouveau regard que j’ai eu à réarpenter mon pays pour le faire découvrir en urgence à des yeux qui n’en avaient jamais vu autant. Jamais vu de montagne. Jamais vu de mer. Jamais vu la tour Eiffel. Moi qui suis né à un (long) jet de pierre de l’une, à une brasse de l’autre et vit à portée de métro de la dernière.

Peut-on comprendre, et même provoquer l’émerveillement d’yeux devant ce que nous ne regardons plus vraiment ?

Je garde en mémoire une photo d’un amateur éclairé vainqueur d’un concours de photographie au Canada. Ce qu’il a photographié, c’est ce que nous ne regardons pas : notre bus, débarquant dans la nuit obscure et brumeuse d’un matin d’hiver alors que nos paupières fatiguées et gelées peinent à rester ouvertes. Sa vision est d’un romantisme doux et endormi, comme si, lui, avait fugitivement ouvert les yeux à ce moment avant de les refermer pour graver cette image dans le commencement d’un rêve.

Paris - Pont des Arts
Paris – Pont des arts

Et si le secret était simplement d’ouvrir les yeux et de retrouver la souplesse de notre cou pour à nouveau contempler la cime des arbres et de la tour Saint-Jacques, comprendre l’horizon des plaines de la Montérégie, de la mer au-delà d’un palmier ou des plages de la côte Landaise, ou simplement savourer l’élégance d’un chat sur un muret, d’un enfant lâché par son vélo, d’une paire de jambes, d’une statue, d’un nuage d’orage ?

Ne nous contentons pas de passer. Regardons et osons aimer. Levons les yeux sans crainte ! Les moto-crottes veillent. Et hors de la ville mettez des bottes.

Le bonheur, c’est parfois aussi simple que ça.

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