Il fait un temps à rêver de vacances au soleil à rester bien au chaud dans son salon ou sous la couette, à se faire un cocon douillet, thé, chocolat chaud ou grog. Pas un temps à se balader porte de Versailles dans les monuments à la laideur que sont les grands halls du parc des expositions.
Ils sont pourtant quelques milliers à braver la morosité et la fraîcheur du ciel, son inadéquation avec les plaisirs de la plaisance, et un tarif d’entrée sélectif pour aller flâner, au sec et au chaud tout de même, autour des coques rutilantes des bateaux exposés au salon nautique de Paris.
En ces temps de crise affectant la surface du salon, principalement du côté des embarcations à moteur -“ ce qui me convient tout à fait. Je ne vous parlerai donc pas du tout de cet endroit où je ne suis pas allé -“ ils étaient toutefois nombreux à venir rêver. Certains, même, surtout le matin, se trimballaient quelque porte document censé indiquer qu’ils n’étaient pas là en touriste. Mais qui vient en touriste au Nautic ? Certains viennent pour acheter tout de suite, d’autres cette année, l’année prochaine, un jour prochain, un jour peut-être, un jour. Rêver à la hauteur ou au-dessus de ses moyens. Qui rêve en dessous quand c’est pour le plaisir ? Certains viennent pour acheter un bateau, un magazine, un accessoire, un équipement. Un porte-clés ou un livre d’enfant à la SNSM parce qu’on ne sait jamais ; on aura peut-être un jour besoin d’eux. Ils nous disent pourquoi ; pour que l’eau de mer n’ait jamais le goût des larmes. Ils nous montrent comment.
Les porte documents laissent la place aux familles. Les enfants s’asseyent dans les descentes, essayent les couchettes. Sont les premiers à enlever leurs chaussures et essaient de ne pas tomber. La cantine est une fourmilière où cuisent quelques visiteurs dans des étuves en polaire. Des bribes de conversation fusent ; journalistes au boulot,  étudiantes en rien venues travailler un peu, exposant satisfait de ses ventes, père ne sachant s’il doit privilégier plateau ou poussette arrivant à ne pas renverser le premier sur la seconde-¦
Les étudiants, justement, investissent les lieux, un peu avant que les familles ne pensent au gouter. Les adolescents à peine finis traînent leurs corps trop grand pour eux. Et leur gueule de bois. La foule est détendue, se mixe sans trop de presser, sans trop se compresser. Le Nautic n’est pas un salon stressé. Il y aurait même des ambiances de ponton, ça et là. Les allées sont peuplées d’âmes, de commerciaux pas toujours à l’aise d’être si habillés. Ils ont craqué sur les chaussures. Chaussures de pont. Certains faciès sont burinés par les embruns, le soleil, le tafia. On est sérieux, mais détendu. Mais humble. On reste ici, même à Paris, même par ce temps pourri à ne pas mettre un crabe dehors, ce que la mer a fait de chacun.
Les hôtesses apportent un peu de fraîcheur.
C’est un lieu pour rêver de bateau. Celui qu’on veut changer, qu’on veut avoir, qu’on va louer, qu’on n’ose pas-¦ rêve de mer, de lac, de fjord, de canal et de rivière. Rêve d’eau sous soi. Rêve de vie.
Alors c’est un lieu de rencontre, d’échange, de passion, qui fait du bien parce que quand il fait froid, et gris, humide, la mer est loin. Il rappelle qu’un jour, ce sera le printemps et qu’il est temps de réserver sa location, son stage.
En sortant, la pluie.
Non.
Le souvenir d’un embrun.