Un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) m’est tombé entre les pattes il y a peu, pour y rester à peine plus que le temps nécessaire à le lire. Addictif au plus haut point, vite lu malgré son volume apparent, grave malgré la légèreté et la gaîté du ton ou la lumière des images, ce livre est beaucoup de choses, y compris son contraire.
Ce roman recueille la correspondance d’une écrivain anglaise, trentenaire, belle, célibataire, esprit libre mais romantique qui, à la sortie de la seconde guerre mondiale commence à connaître un certain succès. Juliet, c’est son prénom, débute alors par hasard un échange épistolaire avec un des membres d’un cercle littéraire au nom tordu créé sur l’île de Guernsey (c’est ici) pour tromper l’occupant allemand, ce qui n’a rien à voir avec l’objet du courrier initial.
Cette correspondance dont on attend très vite chaque nouvelle missive avec une impatience difficile à contenir, s’élargit progressivement aux autres membres du “cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patate” qui forment une galerie de personnage colorés et globalement sympathiques qu’un cochon soustrait à l’occupant a un jour forcé à se retrouver un livre à la main avec des fortunes diverses.
Juliet s’éprend de ces échanges et de ces personnalités insulaires et singulières, s’en ouvre à ses proches pour mieux nous faire partager les bons moments de sa vie qu’elle a du mal à conjuguer au futur, à l’image de Londres, en 1946, plus affamée que sous les bombes allemandes et dont des quartiers entiers, l’un d’eux incluant l’appartement de Juliet, gisent à terre sous forme de gravats.
Juliet ira donc écrire à Guernsey, écrire sur ces gens si étonnants de simplicité et cette île dont il lui reste à découvrir la beauté sauvage des paysages en lutte constante contre la mer et le vent, les champs face à la Manche, les arbres coupés pendant l’occupation, une population attachante, entière voire excentrique aux blessures encore ouvertes. Mais qui, elle, voit sa vie au futur.
Car de petites allusions personnelles, en questions idiotes, les lettres dévoilent pudiquement mais sans complaisance ni fard les multiples traumatismes individuels laissés par la guerre. Dieu sait que les sujets graves sont souvent maltraités, soit avec gravité, soit au contraire, sous prétexte qu’ils ne sont que le décor d’une autre intrigue, à peine effleurés pour justifier leur impact sur le reste de l’histoire. L’équilibre parfait semble être là, dans ces lettres.
“Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates” est porté par la plume alerte de Juliet et sa sage excentricité anglaise. C’est un livre joyeux où les personnages se racontent leurs histoires, progressivement, pudiquement, laissant fugitivement transparaître l’Histoire avant de replonger vers la vie, vers l’envie.
Cet optimisme transparaît à chaque page – bien mieux que dans cet article – de ce livre qui trompe par sa légèreté. Son hymne au bonheur reste gravé en nous bien longtemps après avoir tourné l’ultime page sur une harmonie passée de l’encre à la vie.
Repères
Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows
Roman
NiL éditions pour la traduction Française – 2009
Moi j’ai dévoré ce livre, il est merveilleux, grave et léger, drôle et prenant, et le titre irrésistible.
Lisez le !
J’ai adoré ce livre !