Yvan n’a pas d’enfants. Enfin si, il a deux filles, mais c’est pas pareil ; il a choisi de ne pas être leur père.
Yvan est le personnage principal du premier film de Cécilia Rouaud. Il est prof au collège mais ça ne le rend pas plus sympathique. Ses filles sont adolescentes et vivent chez sa soeur qui n’en a pas, de filles. Ni de garçon d’ailleurs.
Cela fait cinq ans que la femme d’Yvan est partie en Thaïlande avec un autre. Les autres, ça ne dure jamais, mais elle est restée là-bas quand même. Elle envoie des DVD pour donner des nouvelles, puis un jour, elle envoie Léo, cinq ans, ou peut être six. L’enfant qu’elle a eu de l’autre et dont Yvan ne veut pas entendre parler pour ne pas entendre parler de sa mère. Il essaye d’oublier mais n’a pas compris que ce n’est pas possible. C’est pourtant lui qui va avoir l’enfant sur les bras alors qu’il est à peine capable de s’occuper de lui même, qu’il est en plein déménagement pour la Bretagne, pour fuir tout ça.
Comme si ce n’était pas suffisant, il tombe sur Emmanuelle, prof d’art plastique maladroite, gentiment barrée qui dit ce qu’elle pense avec une ingénuité que n’a pas Yvan chez qui ce qu’il pense sonne avec agressivité. Elle pense que Yvan lui plaît mais elle est déjà tombée amoureuse de mecs pas nets. Deux fois. Ça fait deux enfants.
Je me suis fait tout petit est un film de gueules cassées, de personnages cabossés interprétés avec grande justesse. Denis Menochet (Yvan) est un acteur brillant, impressionnant de finesse dans ce personnage agressé par la vie et par lui-même, perclus de silences et de non-dits. Face à lui, sa soeur Ariane (Léa Drucker), inquiète, fragile, pleine de TOC et d’amour, forme un couple baba cool avec son mari Luc (Laurent Lucas) qui sourcille à peine mais sourit peu quand s’incrustent nièces – dont l’interprétation est également admirable – beau-frère ou demi-neveu et dont seul le spectateur semble témoin de la fatigue et de l’admirable solidité. Face à cette famille décomposée qui tente de se tenir et de se soutenir comme des personnages d’Olivier Adam, Vanessa Paradis (Emmanuelle) illumine l’écran de sa grâce et de la fausse candeur de son personnage comme une petite porte de sortie, une lumière d’espoir. Comme la vie qui veut continuer.
Je me suis fait tout petit est un film de vie, pas toujours drôle mais souvent amusant. À moins qu’il ne soit pas toujours amusant mais souvent drôle. Est-ce une comédie romantique ou un drame ? C’est en tout cas un film travaillé, tant au niveau des personnages que d’un texte ciselé mais pas trop écrit qui fait tomber des perles dans nos oreilles comme du velours sur les blessures.
Je me suis fait tout petit est un film de parents, de ceux qui ne le sont pas et en portent la blessure, de ceux qui veulent le devenir sans y penser, de ceux qui veulent le devenir en y pensant trop, de ceux qui le sont et refusent de l’être, de ceux qui le sont et qui l’assument. C’est donc aussi un film d’enfants qui en ont pour dix ans de psychanalyse à s’en remettre, mais c’est un beau film d’amours (oui, au pluriel) et d’espoirs (au pluriel aussi) parce que la vie sait faire des miracles devant les écoles maternelles.
C’est enfin un film à voir parce qu’il est beau, parce qu’il est sensible, parce qu’il arrive à être drôle, léger avec des senteurs de patchouli et de “flower power”, parce qu’il est subtil et parce qu’il dit que ça pourrait être pire.
Repères
Film Français de Cécilia Rouaud (2012)
Avec Denis Ménochet, Vanessa Paradis, Léa Drucker…
Fiche Allo Ciné
J’ai beaucoup aimé ce film aussi.
Comme toi je trouve que Menochet a beaucoup de talent.
Si tu ne l’as pas encore vu, je te conseille “Les adoptés”, j’avais adoré et j’attends avec impatience le prochain film de Mélanie Laurent qui sort fin Novembre je crois.
Malheureusement, je ne vais plus trop au cinéma. Je n’ai pas vu “Les adoptés”. Je me le note dans un coin, merci.