En entrant dans l’univers photographique comme on entre en religion, j’ai tout de suite été confronté à la retouche d’image. Si celle-ci n’est pas indispensable pour pratiquer la photo (on fera bien la différence avec le “développement” ou “post-traitement” qui est, lui, indispensable), il s’avère par contre très intéressant de s’y former, ne serait-ce que pour des retouches minimes comme enlever un papier gras dans une rue de Venise. Oui, j’ai fait ça, c’est sur cette photo-là.
Vous avez pu voir sur ma carte de vœux que je pouvais m’amuser avec Photoshop (bon, ça va, on a les jeux qu’on peut). Comme on ne peut pas échapper à l’ambiance féministe que les débats parlementaires sur l’égalité homme-femme impriment à la société, et comme je n’aime pas parler d’actualité, surtout quand les susceptibilités sont exacerbées, je vais parler de retouche beauté.
La retouche beauté est une discipline en soi. Je m’y suis moi-même essayé assez vite avec cette photo de la photographe Ubere. Je parle de cette retouche dans cet article de mon Recoin Photo.
Lorsqu’elle ne consiste pas à simplement mettre en valeur le modèle, comme dans ce tuto basé sur le portrait d’un photographe que j’aime bien, elle peut aller jusqu’à l’utilisation du modèle comme un matériau brut permettant d’accéder à un certain résultat.
La vidéo ci-dessous illustre assez bien cette affirmation. Vous la connaissez sans doute car elle a fait un bon buzz ces derniers temps. Je ne sais pas si elle serait efficace entre les mains d’anorexiques et autres accros à leur balance, mais elle peut faire prendre conscience à certaines personnes qu’elles s’identifient à une chimère (pour ceux qui n’ont pas compris, la vraie femme, c’est celle du début. La poupée de papier glacé qui ressemble à une princesse Disney dépressive, c’est celle de la fin. Ça va, tout le monde a suivi ?).
Ce genre de retouches a également des répercussions sur les relations entre hommes et femmes ; je connais en effet plusieurs femmes qui ont du mal à comprendre que l’on puisse baver sur la première (la poupée) tout en désirant la seconde (la vraie femme). Comment pouvons-nous trouver belle, d’une part une mannequin tellement retouchée qu’elle en devient difforme et, d’autre part, notre femme, toute en forme(s) qu’elle soit ? Il y a bien entendu la funeste influence de l’amour sur notre vision, caractéristique qu’il partage avec le vin, le martini ou la bière dès la première pinte.
Mais il y a surtout le fait que ce n’est pas parce que c’est beau que c’est nécessairement désirable.
Prenons un exemple :
C’est beau hein ? Mais de là à provoquer des picotements dans mes sous-vêtements, il y a un monde.
Mais alors, qu’est-ce qui me picote le calbutte, me demanderez-vous (ou pas, mais vous risquez de l’apprendre quand-même) ?
C’est en tout cas une question qu’entre revendications féministes, interrogations de santé publique et considérations marketing, les marques se posent. Faut-il faire frétiller le golemite de monsieur ou, au contraire, est-il vendeur de donner des complexes à madame ? Bien entendu, les réponses diffèrent selon qu’il s’agisse de donner des seins à Keira Knightley et gommer les rides de Harrisson Ford sur une affiche de film, ou de lisser le teint de la première et d’intensifier les rides du second sur une affiche pour un parfum. De la même façon, un photojournaliste ne devrait jamais se poser la question, comme l’a appris à ses dépens un photographe d’Associated Press lauréat du prix Pulitzer.
Je ne sais plus qui a commencé à faire la promotion du naturel, mais je crois que Dove a été un des premiers à communiquer massivement sur le sujet. Et ils continuent, les bougres. Et elles sont belles, les bougresses.
Plus proche de nous, Vogue a mise en place un pacte de non photoshopage (qu’est-ce qu’on peut néologiser avec ce nom là) en commençant par Gisele Bunchen qui a déjà l’air retouchée au naturel, il faut quand même le dire.
Mais dans l’actualité encore plus récente, je voulais mettre en rapport deux évènements.
Tout d’abord le clip “Première retouche” de la chanteuse Boggie magnifiquement réalisé par Nándor Lőrincz et Bálint Nagy qui utilisent les codes du “time lapse” (comme la vidéo de que vous avez vue ci-dessus) pour dénoncer la retouche.
Plus d’infos ici sur Golem 13.
Ensuite, voici la campagne de la marque de lingerie Aeri qui revendique ne pas avoir retouché ses modèles, et il faut admettre que c’est très joli à voir (c’est pas parce qu’ils ne retouchent pas qu’ils vont prendre des filles laides, non plus). Cerise sur le gâteau, elles n’ont pas l’air malades comme celles de H&M et en plus, ça repose les yeux.
Sur ces belles images qui montrent que les choses prennent doucement une belle direction, je laisserai le dernier mot au poète :
Rien n’est beau que le vrai : le vrai seul est aimable.
Nicolas BOILEAU
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Contente que l’article t’ait plu et merci pour cet article qui rappelle bien qu’on peut aimer le “beau” tout aussi artificiel qu’il puisse être, et le “vrai” tout aussi imparfait qu’il soit 🙂
Bonjour. Merci pour ton commentaire et ta belle reformulation. J’aurai dû l’écrire comme ça !
Hey ! J’aime bien !
Je connais le pouvoir de photoshop, et les campagnes de dove, qui me semble a été précurseur dans le domaine du “Aimez vous comme vous êtes”. Mais après avoir bouffé de l’image, pour moi c’est déjà trop tard. Elles sont belles les nanas de Dove, mais elles te font pas tellement te sentir mieux dans ta peau.
y’a encore du chemin à parcourir, comme engraisser les mannequins et arrêter de faire des rayons ” TAILLES LARGES” genre “venez, les gros culs, ont a mit vos pantalons loin, pour pas frustrer les p’tits culs minces.”
Je n’ai jamais eu le problème “grande taille” vu que j’étais plutôt du genre à flotter dans mon “S” (la trentaine a mis bon ordre à ce problème) mais je pensais surtout à celles qui se trouvent grosses par comparaison avec les mannequins de publicité, mais ne maigriront qu’en perdant un os. Il est certain que cela ne fait que déplacer la “moyenne”, mais ça la positionne à un niveau réel (et adulte) au lieu d’inventé, et permet peut être aux gamines filliformes de 15 ans de rester des gamines au lieu d’aller caster chez Elite.
Au passage, on constate la tendance inverse chez les hommes qui ont des musculatures de plus en plus travaillées, et donc de moins en moins accessibles au commun des mortels.
Bonsoir
Impressionnant le travail de retouche! Je n’imaginais pas que l’on retouche autant les photo!
Le naturel a tellement de charme.
C’est un peu triste de vouloir montrer que la perfection… C’est si froid!
Merci pour cet article très intéressant.
Merci pour votre commentaire. La vidéo est volontairement choquante mais la froideur du résultat dans la vraie vie est plutôt volontaire : les modèles sont des portants vivant destinés à mettre en valeur les vêtements ; ils ne doivent dont pas être trop “visibles”. Un modèle chaleureux se trouvera plus dans une communication de marque (actrice connue en gros plan, nom de la marque en gros et le parfum en tout petit, par exemple).
Il n’est pas innocent que les images “naturelles” de cet article soit si chaleureuses : la marque communique sur le côté naturel et le naturel est chaleureux. Le photographe et la post-production ont donc créé cette ambiance.
Je n’aime pas tout ce qui est artificiel, les femmes sont tellement belles au naturel. On a toute quelque chose de beau alors cette dictature de la beauté que l’on nous impose m’agace. Les choses sont entrain de changer et c’est tant mieux ! Il faut montrer la vraie vie et les vraies femmes. la campagne de la marque de lingerie Aeri est juste parfaite !
Merci pour ton commentaire. Je crois qu’il est clair que nous sommes d’accord. Les choses vont dans le bon sens, et oui, vous êtes belles au naturel.