Cette fois, c’est sur twitter ou le “J’attends donc le jour où tu publieras sur une crotte de pigeon” de Maman Moino, m’est apparu comme un défi à relever. Voilà, le jour est arrivé.
C’est le printemps.
C’est bien.
Sauf en ville, parfois.
En ville, le printemps, c’est le ballet des hommes en vert qui sarclent, binent et plantent. Ce sont des parterres d’annuelles colorées, des petites touffes d’herbe qui coloniseront bientôt les massifs, des bacs à fleurs sur les rambardes et la promesse de feuilles aux arbres.
Le printemps, ce sont les parents courant après leur progéniture autour du bac à sable pour qu’elle remette son manteau, parce que le fond de l’air est frais et qu’en avril ne te découvre pas d’un fil. Le printemps, ce sont des manteaux d’enfant qui trainent dans le bac à sable parce que là, il y a du soleil.
Le printemps, c’est la saison de la gambette. Bermudas, jupes et robes sortent des placards. Les obsédés campent au bas des escaliers et les genoux commencent à se couvrir d’ecchymoses.
Mais le printemps, ce sont aussi les bourgeons dont raffolent les gris volatiles qui peuplent tout perchoir disponible. Ces gris volatiles ne répondent pas au doux nom de pigeons parce qu’ils sont sourds, ces piafs stupides. Hurlez leur dessus et ils n’auront même pas une réaction. Ils se dandinent avec l’arrogance du maître des lieux, leur petite tête niaise ballottée au rythme saccadé de leur mollassonne musique interne.
Attention, paragraphe vulgaire
Les pigeons, sorte d’emplumés du genre Colomba, sont friands de platane au printemps. Et nos villes sont friandes de platane au bord des rues. Le platane, arbre taquin n’aime pas les pigeons et ne peut s’empêcher de les faire chier. Au sens propre. C’est à dire au sens sale. En bref, le platane provoque la chiasse du pigeon sous forme d’une chiure molle, voire liquide, et jaunâtre. Tombant du platane, elle atterrit en bas, là où vivent les humains (c’est nous ça, avec nos voitures, nos selles de vélo et nos épaules). Le platane fait chier le pigeon, qui, en cascade, nous emmerde.
Fin du paragraphe vulgaire
Ainsi enchiassée, la vie humaine se soumet à la dictature colombidienne (rien à voir avec la Colombie ; je parle de colombidae), rase les murs, lève la tête sitôt qu’elle s’arrête entre deux arbres et parfois, se résout à se stationner là quand même, malgré la surcouche corrosive vert-marron-intestinal-pas-frais que lui déposeront les volatiles nabilacephales sur la peinture de sa voiture.
Le trou postérieur du pigeon règle ainsi la vie urbaine de sa tronche dodelinante. On rêverait d’un régiment d’Arya Stark qui sait bien y faire pour étêter ces rats volants dodus (Game of Thrones, Saison 5, Épisode 3) de la pointe de son épée. On aimerait que les gras ramiers, aussi appelés “palombes” dans des contrées ou le pigeon se conçoit avec des petits pois et parfois encore un plomb dans la carcasse, redeviennent migrateurs pour s’en débarrasser une fois l’an.
Mais non, même le gros palombus s’embourgeoise plutôt que d’aller se faire canarder à l’approche des Pyrénées. On est si bien dans la chaleur puante de nos villes, à faire le roi du monde, gratouiller les monuments historiques et repeindre la tête des statues centenaires.
On ne possède que ce que l’on peut détruire et le pigeon a cette conscience de sa supériorité sur nous. Nous qui le nourrissons de graines, de pain, et de nos ordures qu’il revient nous fienter au visage.
Au royaume des trous du cul qui dominent le monde, le pigeon est roi.